En vedette au Sommet de l'AMC sur la santé: Zayna Khayat
Après un séjour d’un an aux Pays-Bas, où Zayna Khayat a travaillé au Centre d’innovation en santé REShape à titre de responsable principale de l’innovation, elle est revenue au Canada en janvier avec un regard nouveau sur cet avenir.
« Je ne peux pas faire fi de ce que j’y ai vu », explique Mme Khayat.
Ce qu’elle a vu, c’est un pays qui a environ la taille démographique de l’Ontario et dont l’objectif global est de moderniser le système de soins de santé.
Le gouvernement des Pays-Bas a déjà commencé à relever ce défi en établissant trois objectifs très ambitieux qui doivent être atteints d’ici 2019 : d’abord, tous les aînés vulnérables ou les gens atteints d’une maladie chronique devront avoir pleinement accès à leurs données numériques en matière de santé. Ensuite, ils devront être en mesure de communiquer avec n’importe quel professionnel de la santé de la façon qui leur convient (par message texte, par vidéo ou en personne). Enfin, les professionnels de la santé devront pouvoir surveiller à distance les symptômes de ces patients (pression artérielle, fréquence cardiaque, capacité pulmonaire, etc.).
« Ici, il est rare que nous établissions des objectifs à ce point ambitieux et inflexibles, avec une date définitive », dit Mme Khayat en riant. « Et lorsque nous planifions la réalisation de nos objectifs, nous le faisons dans les moindres détails et de façon centralisée, plutôt que de laisser les plans émerger de façon plus inductive. »
Mme Khayat affirme que son séjour d’un an aux Pays-Bas l’a convaincue que notre modèle « de commandement et de contrôle » pour rétablir le système est l’une des raisons qui freinent l’innovation en santé au Canada.
« Quand on croit pouvoir prédire tout ce qui va arriver [avec un programme] et qu’on finance une analyse de rentabilisation rigoureuse, le projet est voué à l’échec aussitôt le plan d’affaires rédigé. »
S’appuyant sur les idées qui lui ont été inspirées par son séjour aux Pays-Bas et sur son expérience liée à l’avenir de la santé et des soins de santé, Mme Khayat présentera quelques réflexions audacieuses sur la façon d’assurer l’avenir durable des soins de santé au Canada à l’occasion du Sommet de l’AMC sur la santé qui se tiendra en août.
Dans le cadre d’une table ronde sur les obstacles qui freinent l’adoption de l’innovation et des technologies en santé au Canada, Mme Khayat affirme que des bouleversements majeurs sont à prévoir dans les soins de santé, que nous y soyons prêts ou non.
« Les soins de santé de l’avenir seront prédictifs et proactifs, personnalisés, décentralisés, continus, axés sur les patients et fondés sur des valeurs. »
C’est souvent ainsi qu’elle présente l’« avenir des soins de santé », décrivant un monde où les données permettront de prédire exactement quels patients auront besoin de soins – et à quel moment ils en auront besoin – afin d’intervenir bien avant que ces patients commencent à présenter des symptômes.
Et lorsque les gens tomberont malades, ces mêmes données permettront un diagnostic précis et personnalisé ainsi qu’un traitement individualisé. Les patients seront des partenaires dans la prise de décisions concernant leur santé, et la plus grande partie des soins fournis par les systèmes de santé ne seront plus prodigués dans des établissements, mais bien chez les patients, dans les communautés et par téléphone.
Le hic? Selon Mme Khayat, nous devons revoir les bases de nos modèles d’affaires actuels pour qu’un tel avenir puisse se réaliser.
« À l’heure actuelle, nous avons un modèle réactif axé sur les soins aux malades. Nous réagissons quand quelque chose ne va pas. Mais si l’on mise sur la valeur prédictive des données et qu’on commence à encourager les gens à cerner et à contrecarrer les risques pour leur santé, nous pourrons créer des valeurs qui modifieront ce paradigme. On achète la santé plutôt que de payer pour guérir des patients malades. »
Pendant la période où elle a dirigé la plateforme d’innovation du système de santé MaRS et au cours de la dernière année passée aux Pays-Bas, Mme Khayat a été confrontée aux difficultés que représente la mise en place des éléments nécessaires pour aider les systèmes de santé et les établissements à s’adapter à l’innovation. Mais ce qui la réjouit à l’heure actuelle, c’est que les gens pourraient être soignés chez eux grâce à l’innovation.
Dans le cadre de ses nouvelles fonctions à titre de stratège de l’avenir de Saint Elizabeth, une entreprise sociale dédiée à la santé qui met l’accent sur les soins à domicile, Mme Khayat contribue à la redéfinition des soins à domicile, de la technologie nécessaire pour ce type de soins et de la façon dont ils sont financés.
« Il s’agit en quelque sorte d’un retour aux sources puisque les soins de santé ont commencé par des visites à domicile. Nous avons tout complexifié en déplaçant les soins dans les établissements, mais voilà que nous revenons à nos anciennes façons de faire. Les soins à domicile et les soins axés sur le patient représentent l’avenir. »